On peut sortir, et même sortir brillamment de la dyslexie, de la dysorthographie, de la dysphasie, et autres diagnostics en « dys ». En témoigne le récit de Martin Latulippe, diagnostiqué multi-dys dans son enfance, et qui est aujourd’hui auteur, formateur et conférencier de renommée internationale. Voici la transcription de l’interview que j’ai réalisée pour vous de Martin Latulippe :
Être diagnostiqué « dys » n’est pas une fatalité.
– Bonjour Martin.
– Bonjour, ça va?
– Oui, je vais très bien. Surtout que je te vois pour la première fois en vrai, là, je te touche, même, c’est génial ! Martin Latulippe, de l’Académie Zérolimite*. Martin, je suis la formation avec toi depuis l’an dernier.
– Ok, Oui.
– Et l’an dernier, je n’ai pas pu participer à ton séminaire live de 3 jours de folie. Faut pas?
– Non, c’est une blague. Mais là, cette année, tu vas te reprendre, non ?
– Tu me fais des blagues pour me détendre? Oui, cette année, je suis prête. L’an dernier, je n’étais pas prête.
– Génial. Parfait.
– Puisque je travaille avec toi et aujourd’hui avec Sylvain, mon sujet c’est que je voudrais aider les parents à accompagner leur enfant dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, parce que je suis très triste de me rendre compte qu’après de si nombreuses années, (puisque cela fait 45 ans que je suis orthophoniste) au bout de 45 ans, je m’aperçois qu’il y a toujours autant d’échecs, que de nombreux enfants, 30 à 40 % des enfants en France (je ne sais pas au Canada, mais je crois que c’est pareil), arrivent à la fin de leurs études primaires pour rentrer au secondaire sans avoir maitrisé les savoirs de base de la lecture et de l’écriture. Et cela, ça m’attriste vraiment beaucoup. Alors, je voudrais apporter ma petite contribution.
– Génial !
– J’ai écouté une interview de toi, je crois que c’était dans le cadre du Sommet de la Conscience avec Sandra, c’était cette année, et tu parlais de ton expérience d’enfant multi-dys. Et tu avais dit : « Quelque chose s’était cassé en moi ». Et donc, quand j’ai entendu cela, je me suis dit que toi, Martin, il fallait que tu nous expliques comment tu as fait, comment ce petit enfant multi-dys a fait pour devenir le conférencier international qu’il est devenu, je crois le plus jeune conférencier du Canada à être intronisé au « Temple de la Renommée ».
– Oui, très bonne question, et d’abord, très belle mission, fantastique.
Refuser les étiquettes en « dys »
La première chose que les gens, et autant les parents que les enfants, peut être, qui écoutent cet entretien-là doivent savoir, c’est que se faire apposer une étiquette par des professionnels de la santé ou par le système scolaire, cela n’a pas à définir notre réalité.
Un jour, un de mes mentors m’a dit que l’opinion des autres n’a pas à devenir notre réalité. Cela veut dire que c’est important de comprendre qu’il ne faut pas personnaliser (prendre personnellement), ne pas croire que l’on a à devenir cette étiquette-là. Parce que, souvent, ces étiquettes-là peuvent devenir très limitantes.
Pour moi, c’est sûr que quand j’ai été diagnostiqué, quand j’ai réalisé que j’avais un trouble de dyslexie, la littéracie ( Connaissances fondamentales dans les domaines de la lecture et de l’écriture, permettant à une personne d’être fonctionnelle en société) et la numéracie (Capacité d’une personne à comprendre et à utiliser des concepts mathématiques) étaient compliquées pour moi, avec des troubles d’apprentissage énormes. Lorsqu’il s’agissait de travailler avec des chiffres, c’était difficile pour moi.
Valoriser les autres compétences de l’enfant
Mais cela ne voulait pas dire que je n’avais pas d’autres talents… Cela ne voulait pas dire que je n’avais pas d’autres compétences. C’est juste que mes compétences que j’avais à l’époque n’étaient pas encore nécessairement mesurées ou célébrées dans le cadre scolaire.
Donc, essayez d’éviter de personnaliser et essayez d’éviter de dramatiser, de dire : « Oh, mon doux, notre enfant a tel diagnostic, oh mon doux, notre enfant a telle étiquette… » Hey : il y a plein de gens qui ont des troubles de l’apprentissage avec déficit d’attention, hyperactivité, qui s’en sortent très bien, parce qu’ils réussissent finalement à mettre d’autres compétences, d’autres passions, d’autres intérêts à profit.
Mettre l’amour au coeur des apprentissages
Donc, pour moi, si j’avais à résumer mon parcours, cela a vraiment été de :
- Ne pas le personnaliser. Ne pas m’identifier à l’étiquette que l’on m’apposait.
- Ensuite, mes parents étaient monumentaux là-dedans, dans le sens qu’ils m’ont aidé à m’investir dans des trucs dans lesquels je vibrais et dans lesquels je n’avais pas nécessairement à utiliser l’écriture ou la lecture pour l’instant.
- Et lentement mais sûrement, cela m’a permis de remettre de l’amour au coeur des apprentissages : j’ai retrouvé le goût à la lecture. J’ai retrouvé le goût à l’écriture.
– Quand cela? Quand l’as-tu retrouvé?
– Eh bien, je vais te donner un exemple : nous, on nous proposait des livres, en milieu scolaire. Les livres ne m’intéressaient pas. Aucunement. Par contre, si tu me mettais un magazine de hockey sur glace, qui était ma discipline à l’époque, j’étais passionné, je voulais tout lire. Je voulais lire les statistiques des joueurs, je voulais savoir d’où ils venaient, quelle était leur biographie, etc.
Transformer l’activité scolaire en activité intéressante pour l’enfant
Donc, mes parents ont été assez rusés pour dire : qu’est-ce que notre enfant aime? Qu’est-ce qui le passionne? Et là, à ce moment-là, pour moi, ce n’était plus de la « lecture » dans le cadre scolaire que je détestais parce que je savais que j’allais me faire noter, je savais que ma note allait être misérable, je savais qu’on allait me dire que je n’étais pas bon, donc de là que je croyais que j’étais cassé. Je croyais que je n’étais pas comme mes amis.
Mais lorsque j’arrivais à la maison et que je lisais mes cartes de hockey, que je lisais les magazines de hockey, les magazines sportifs, (et plus tard cela a été les livres de développement personnel vers 16-17 ans, des trucs qui me passionnaient, au niveau de la psychologie et du leadership). Cela c’étaient des trucs qui me passionnaient! Je n’ai rien contre le Chaperon rouge, je n’ai rien contre ces trucs-là, c’est juste que moi je ne m’y reconnaissais pas, c’était difficile, c’était un fardeau, et je n’aimais pas cela.
Donc de le lier à quelque chose qui me passionnait, pour moi, cela a été un vecteur très puissant qui a allumé une flamme en moi à me dire : « Wahow, je peux avoir ce genre d’informations-là en lisant! » Donc là j’ai retrouvé l’amour de la lecture, et ainsi de suite. Tu comprends?
Aimer l’enfant tel qu’il est et pour ce qu’il est
– Voilà, c’est ça! Et dans mon projet qui s’appelle : « Aimer Lire Ecrire », c’est cela que je veux faire passer. Mettre l’amour au coeur des apprentissages, et surtout aimer l’enfant tel qu’il est et ne surtout pas lui coller une étiquette. C’est exactement ça. Merci Martin.
– Eh bien, mon plaisir, merci Danielle, ça fait plaisir.
– Merci beaucoup. Au revoir tout le monde.
* L’ Académie Zérolimite est une formation en ligne qui a pour but de former les auteurs, formateurs et conférenciers.
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